A Domi-Mots

A part trois romans policiers où l’on retrouve Mário França qui ce qui se dit être « le plus grand détective du monde », Miguel Miranda, médecin de métier, est auteur de fictions, de contes et de livres pour jeunesse.

Gladys Cleminson, propriétaire d’une grande exploitation viticole dans la vallée du Douro au Portugal est retrouvée morte, le sourire aux lèvres. Etrange ! Il n’en faut pas plus pour que le célèbre détective Mário França se lance dans l’enquête. En parallèle, il se doit de dénouer l’intrigue de l’assassinat du vieux Lopes Trotil, ancien compagnon d’armes du temps où tous deux luttaient contre la dictature de Salazar, refusant la réalité de la Révolution des Œillets. Et si les deux affaires étaient liées ?

Mario, dont le flair n’est plus à prouver (au propre comme au figuré) est capable d’accumuler une somme impressionnante de détails sur une scène de crime juste avec son nez. L’héritage de Tante Gladys va mettre au grand jour toutes les tensions familiales. Est-ce un suicide comme tout le monde le prétend ? Est-ce un meurtre comme le pense Mario França ? C’est le sort de toute cette famille de producteurs et négociants de vin de Porto qui en dépend.

Tous ses sens en alerte, Mario avance à grands pas et nous confie ses déductions avec une fierté et une vanité qui ne sont pas loin de nous faire penser à Hercule Poirot. Pris au second degré, le héros devient au fil du récit de plus en plus attachant grâce à son humour décapant.

C’est un polar distrayant avec une enquête menée à la façon de Colombo, d’Hercule Poirot et parfois même Jean-Baptiste Grenouille, héros du roman de Süskind, « Le Parfum ». Un roman qui nous emmène au cœur de la ville de Porto pour nous replonger dans l’histoire de la Révolution des Œillets.

Quelques mots à propos de l’auteur puisque c’est son premier roman. Bruno Carlisi est né à Martigues en 1976, libraire depuis une dizaine d’années, il codirige depuis 2013 la librairie « Les Passagers du Livre » à Landernau. Il dit être passionné par l’Arabie ancienne, que ce soit son histoire ou sa littérature.

Avec ce roman, il nous ouvre les portes vers un ailleurs comme dans un conte fantastique. Si l’on devait choisir une phrase qui résume l’esprit du roman, ce serait celle-ci

« Suffisamment de sagas merveilleuses nous ont abreuvés de voyages sinueux, de jours et de nuits assommants, de routes qui suivent d'autres routes, de chevaux avant les bateaux, le tout convenablement ordonné afin de n'égarer personne. Aux voyageurs aguerris et aux esprits rectilignes, ce périple n'en fera qu'à ma tête.»

C’est également un roman d’initiation où le héros qui part à l’aventure débute une quête intérieure. L’auteur nous précise qu’Alzahel s'inscrit à la fois dans la réalité historique et dans l'ambiance des 1001 nuits. Dans les deux cas, il aimerait faire saisir aux lecteurs, les nuances et les complexités de ces deux facettes pour les éloigner des clichés qu'elles véhiculent souvent. Le narrateur aime d’ailleurs souvent prendre à partie le lecteur en l’interpelant.

Alzahel naît dans une période troublée et troublante où la tradition orale s’éteint peu à peu et où la sexualité débridée n’a d’égal que son rejet. Alzahel a le pouvoir des mots, il est le détenteur du Verbe Droit, c’est-à-dire qu’il a le don d’agir sur le réel avec la parole. Animé de bonnes intentions, son imprudence et sa naïveté lui feront pourtant commettre des erreurs car la route est longue et dangereuse. Pour accomplir cette quête, il sera aidé de 3 compagnons, Tigisi, l’affranchi abyssin chrétien, Makef, le marchand simple d’esprit et Fa’izah, une jeune femme éprise de liberté. Pour arriver à ses fins, il lui faudra faire front à la justice partiale des Cadis, la rouerie des Djinns mais aussi et surtout au fanatisme de l’Encre de la Montagne, chef d’une secte qui n’a qu’un seul but, celui d’imposer sa religion.

Un roman original qu’il faut prendre le temps de lire pour se laisser porter par ce récit qui nous promet plein de bonnes surprises tout le long du parcours initiatique du héros.